Pour des limites planétaires sûres et justes !

Violaine Laurensy, le 22 octobre 2023

En 2009, un groupe de scientifiques a développé un modèle identifiant 9 limites planétaires. Ces dernières représentent les seuils que l’humanité ne doit pas dépasser pour entretenir les bonnes conditions dans lesquelles la vie s’est développée sur terre. Initialement, un unique critère était utilisé pour qualifier le dépassement de ces limites : une zone de sécurité. Une mise à jour de ce modèle a récemment été conduite en introduisant un deuxième critère : la justice. Le but étant de pouvoir évaluer la situation en fonction de limites sûres – qui garantissent des conditions stables et résilientes sur Terre – et de limites justes – qui minimisent l’exposition de l’homme à des dommages significatifs. En effet, nous ne pouvons pas avoir une planète biophysiquement sûre sans justice.

Les limites planétaires, c’est quoi ?

C’est dans le cadre d’une nouvelle étude que nous parlons aujourd’hui du thème des limites planétaires. En effet, il est important de comprendre ce concept puisque l’activité humaine accroît la pression exercée sur les ressources de la planète, provoquant la déstabilisation de l’environnement avec des conséquences irréversibles pour les êtres vivants. Il est important de comprendre que ces limites ne sont pas des points de bascule où l’on passe d’un état A à un état B. Ces limites, une fois dépassées, témoignent de l’atteinte de points de non-retour.

Le concept de limites planétaires a été développé en 2009 à travers un projet mené par le suédois Johan Rockström au Stockholm Resilience center. Ces limites planétaires définissent les seuils que l’humanité ne doit pas dépasser pour entretenir les bonnes conditions dans lesquelles la vie s’est développée sur terre. Les scientifiques en identifient 9 : le changement climatique, l’érosion de la biodiversité (ou intégrité de la biosphère), le changement d’utilisation des sols, l’introduction d’entités nouvelles dans la biosphère, la perturbation des cycles biochimiques du phosphore et de l’azote, l’acidification des océans, l’augmentation des aérosols dans l’atmosphère, l’appauvrissement de l’ozone stratosphérique et le cycle de l’eau douce.

Etat des lieux

Afin d’analyser l’état de ces limites planétaires, les chercheurs se sont basés sur différents indicateurs spécifiques selon lesquels 6 limites sur 9 sont actuellement franchies.

La limite du changement climatique est déjà franchie en raison de l’importante concentration en dioxyde de carbone dans l’atmosphère, mesurée en parties par million (ppm). Il est judicieux de rappeler que ce réchauffement est principalement provoqué par les activités humaines étant donné le faible impact des facteurs naturels. L’augmentation de ces émissions de gaz à effet de serre anthropiques (provenant des activités humaines) donne place à des évènements climatiques extrêmes impactant directement notre société et notre environnement.

L’érosion de la biodiversité (ou intégrité de la biosphère) est composée de la biodiversité génétique et fonctionnelle. Cette limite évalue les risques liés à la perte de la diversité du vivant. Elle est entre autre évaluée selon le taux de disparition des espèces, qui est largement dépassé.

La limite du changement d’utilisation des sols est aussi franchie avec l’artificialisation des terres et l’urbanisation, évaluée avec la perte des forêts comme indicateur de risques.

Concernant le cycle du phosphore et d’azote, les limites sont malheureusement aussi dépassées. Cela est principalement dû aux pratiques agricoles intensives qui, selon des estimations, injectent annuellement le double de la limite recommandée pour ces substances.

La limite des nouvelles entités introduites dans l’environnement traite du risque provoqué par les substances chimiques crées par l’humain sur l’environnement. Cette limite est évidemment dépassée avec entre autre une surcharge globale de produits chimiques et de plastique.

La dernière limite à avoir été franchie est celle de l’utilisation d’eau douce. Elle se distingue à deux niveaux. L’eau bleue, c’est-à-dire les lacs, les rivières, et les eaux souterraines et l’eau verte, c’est-à-dire le changement du niveau d’humidité des sols.

Parmi les trois limites planétaires restantes qui ne sont pas encore franchies, deux d’entre elles frôlent malheureusement le dépassement. Tout d’abord, l’acidification des océans s’intensifie à vue d’œil en raison de l’augmentation de dioxyde de carbone (CO2). En effet, cela provoque une diminution du Ph dans les océans, les rendant plus acides. Ensuite, les aérosols, qui sont de petites particules fines dans l’atmosphère, contribuent fortement à l’aggravation des niveaux de pollution, particulièrement dans les métropoles. Cette limite est dors et déjà franchie au niveau régional, notamment en Asie du Sud et l’est de la Chine. Non seulement ces particules sont néfastes pour notre santé mais elles perturbent aussi le changement climatique. Bien que leur existence freine la montée des températures, elles perturbent en contrepartie le cycle de l’eau. Concernant la couche d’ozone, celle-ci est en train de progressivement se rétablir grâce aux efforts mis en place dans le cadre du Protocole de Montréal. Ce dernier fut un réel succès et prouve que ce n’est pas trop tard, il est l’exemple qu’il est possible d’agir ensemble pour respecter ces limites planétaires.

Un point d’attention particulier est à porter à l’aspect systémique des limites planétaires. En effet, cela ne fait pas sens d’agir sur une limite de manière isolée car elles sont toutes interdépendantes. En effet, toute perturbation d’un processus peut avoir un impact sur la capacité de régulation et la résilience des autres.

Nouvelle approche

Comme mentionné ci-dessus, les scientifiques ont utilisés des indicateurs spécifiques afin de mesurer chacune des sept limites. Une limite est en réalité atteinte lorsqu’elle dépasse un certain seuil au-delà duquel le résultat peut être dangereux pour la planète et ses habitants. En d’autres termes, ils ont défini une zone de sécurité au-delà de laquelle des conditions stables et résilientes sur Terre ne sont plus garanties. Ce modèle a suscité beaucoup d’intérêts et a fait l’objet de nombreuses études de la part de chercheurs et scientifiques qui ont continué à affiner les limites planétaires en fonction des réactions et des mises à jour des données.

Rockström décide d’aller plus loin dans son modèle initial et de le repenser en y intégrant un second critère à celui de sécurité : la justice. En effet, le concept initial ne tient pas compte de la justice environnementale et de l’équité. La justice est définie comme le fait d’éviter des dommages significatifs aux personnes dans le monde entier, aujourd’hui et à l’avenir. Le modèle, mis à jour, rassemble alors des limites sûres – qui garantissent des conditions stables et résilientes sur Terre – et des limites justes – qui minimisent l’exposition de l’homme à des dommages significatifs. Ces dommages significatifs pouvant apparaître sont par exemple une diminution de ressources en nourriture, perte de revenus, migrations forcées, épidémies, etc.

Dans le cadre de cette nouvelle étude, 5 processus parmi les 9 limites planétaires ont été étudiés en fonction de 8 indicateurs : le climat, les écosystèmes naturels, l’intégrité fonctionnelle de la biosphère, les eaux de surface, les eaux souterraines, l’azote, le phosphore, et la charge en aérosols atmosphériques. L’ajout de cette perspective de justice signifie que l’espace opérationnel pour de nombreuses limites initiales est réduit. Nous voyons ci-dessous, que pour sept indicateurs sur huit, les limites sûres et justes ont été franchies. Ce constat témoigne de la gravité de la situation étant donné que ces résultats représentent un avertissement encore plus sévère que ceux du modèle initial.

Conclusion

Il était en effet primordial d’introduire cette notion de justice et d’équité dans la mise à jour du modèle des limites planétaires. En effet, peu de temps après la parution du modèle initial des limites planétaires en 2009, cette notion de justice et d’équité a été centrale dans les discussions qui ont mené aux objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies en 2015. De plus, la célèbre théorie du Donuts développé par Kate Raworth place également la justice environnementale au centre de son modèle. En effet, ce modèle présente les limites planétaires combinées aux limites sociales d’une communauté avec comme objectif de repenser l’économie pour parvenir à répondre aux besoins humains de base et la préservation de l’environnement. Dans ce modèle, un espace sûr et juste pour l’humanité a été défini. Il va donc de soi que l’on ne peut plus écarter cette notion de justice. En effet, nous ne pouvons pas avoir une planète biophysiquement sûre sans justice.

Notre conseil

Intégrer cette notion de justice environnementale au sein de votre entreprise est aussi conseillé et possible. Voici quelques conseils si vous voulez intégrer ces notions dans votre stratégie RSE :

  1. Comprenez les limites planétaires : Avant de pouvoir intégrer les limites planétaires dans votre stratégie RSE, il est essentiel de les comprendre en profondeur et de les faire comprendre à l’ensemble de vos équipes.
  2. Évaluez votre empreinte environnementale : Réalisez une évaluation détaillée de l’empreinte environnementale de votre entreprise. Cela inclut la mesure de vos émissions de gaz à effet de serre à travers le calcul de votre bilan carbone complet, la consommation d’eau, la gestion des déchets, la consommation d’énergie, etc. Cela vous permettra d’identifier vos principaux impacts et leviers.
  3. Fixez des objectifs concrets : Établissez des objectifs de réduction ou de neutralisation de vos impacts environnementaux, en vous appuyant sur les limites planétaires pertinentes pour votre entreprise. Les objectifs se matérialisent par des KPI, présents dans votre rapport annuel extra-financier. Ce rapport contient votre stratégie RSE, vos engagements, ce que vous réalisez déjà aujourd’hui, et reprend votre contribution aux 17 Objectifs de Développement Durable de l’ONU.
  4. Intégrez la durabilité dans l’ensemble de l’entreprise : Assurez-vous que la durabilité est intégrée à tous les niveaux de l’entreprise, de la direction générale aux opérations quotidiennes. Sensibilisez et formez les employés à l’importance des limites planétaires et de la durabilité.
  5. Restez informé et adaptez-vous : Les limites planétaires et les meilleures pratiques en matière de durabilité évoluent. Restez à l’affût des dernières avancées et adaptez votre stratégie en conséquence.

Sources

Smart2Circle vous guide pour intégrer les limites planétaires dans votre démarche RSE. Contactez-nous !

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